Loi de simplification du droit du 22 mars 2012
De quelques modifications imposées par la loi de simplification du droit et d’allègement des procédures
La loi n° 2012-297 du 22 mars 2012 de simplification du droit et d’allègement des procédures, dite loi « Warsmann II », a été publiée au Journal officiel du 23 mars 2012 [1]. Elles modifient quelques dispositions du Code de commerce applicable au bail commercial.
I. De la tacite reconduction à la tacite prolongation
Là où les textes parlaient de « tacite reconduction », ils font référence aujourd’hui à la « tacite prolongation », rédaction conforme à la réalité juridique et à l’expression désormais utilisée par la Cour de cassation[2].
On reprochait notamment à l’article L. 145-9 du Code de commerce de prévoir que, par tacite reconduction, le bail se poursuivait. Or, de deux choses l’une : si le contrat est tacitement reconduit, c’est un nouveau contrat qui fait suite au premier. S’il se poursuit, c’est en vertu d’une tacite prolongation.
La lecture de la jurisprudence ne laissait aucun doute sur la qualification de la relation qui se poursuit entre le bailleur et son locataire. Le bail se poursuit dans les mêmes conditions que celles initialement convenues : la tacite « reconduction » du bail commercial n'emporte pas conclusion d'un nouveau contrat [3].
II. Clarification des dates d’effet du congé
Rappelons les termes du débat. L’alinéa 1 de l’article L. 145-9 du Code de commerce prévoyait que les baux commerciaux ne cessent que par l'effet d'un congé donné pour le dernier jour du trimestre civil et au moins six mois à l'avance. L’alinéa suivant, où il est question de tacite « prolongation », se contentait de faire référence à l'article 1738 du Code civil, sous les réserves prévues à l'alinéa 1 de l’article L. 145-9. D’où un problème de détermination du champ d’application du texte.
La difficulté est désormais réglée. Le nouvel alinéa 1 prévoit que le congé doit être donné six mois à l’avance. L’alinéa suivant prévoit lui, spécialement pour le bail en cours de prolongation, que le congé doit être donné au moins six mois à l'avance et pour le dernier jour du trimestre civil.
Cette modification était attendue de longue date [4]. La jurisprudence l’avait anticipée. Déjà en juin 2009, la troisième chambre civile avait affirmé que « le terme d'usage ne pouvait être retenu qu'en cas de reconduction tacite du bail »[5]. Plus tard, statuant en application des textes applicables après l’entrée en vigueur de la loi du 4 août 2008, le tribunal de grande instance de Paris affirmait que « les nouvelles dispositions de l'article L. 145-9 du Code de commerce …, en ce qui concerne la date pour laquelle le congé doit être donné, lorsque l'échéance contractuelle n'est pas celle de la fin d'un trimestre civil, ont vocation à s'appliquer en cas de tacite prorogation du bail, mais non à l'occasion d'un congé donné en fin de période triennale » [6].
III. Droit de préemption des communes
Les dispositions applicables au droit de préemption des communes sur les fonds artisanaux, fonds de commerce, baux commerciaux et terrains faisant l’objet de projets d’aménagement commercial ont été retouchées à trois reprises.
Les anciens articles L. 214-1 et L. 214-2 du Code de l’urbanisme visaient les opérations de cession. Mais le décret d’application évoquait plus largement les aliénations à titre onéreux. Le législateur de 2012 fait œuvre d’harmonisation. Les nouveaux articles L. 214-1 et L. 214-2 visent toutes les aliénations à titre onéreux, laissant ainsi à penser que la commune pourrait exercer son droit en cas d’apport de fonds de commerce ou du bail à une société.
Le délai dans lequel doit intervenir la rétrocession par la commune passe à deux ans. Le précédent délai d’un an était jugé trop court. Interpelé sur cette question, le secrétaire d'Etat chargé du commerce, de l'artisanat et des PME avait annoncé cet allongement du délai en précisant qu’il devrait s’accompagner de « dispositions permettant à la commune d'assurer la prise en charge efficace du fonds de commerce ou du fonds artisanal en attendant la rétrocession »[7].
C’est également chose faite puisque la loi de simplification offre désormais à la commune la faculté de mettre le fonds de commerce, jusqu’à la rétrocession, en location-gérance, supprimant limitant ainsi les risques d’une dépréciation de la valeur du fonds.
Adeline Cerati-Gauthier
[1] V. J. Monéger, Simplification du droit (4e édition) : supplique pour une vraie simplification du statut des baux commerciaux, Loyers et Copropriété n° 11, Novembre 2011, repère 10.
[2] V. not. Cass. Civ. 3° 8 avril 1992, Gaz. Pal. 1993, 1, pan. jur. p. 4.
[3] V. dernièrement Cass. Civ. 3° 5 oct. 2010, AJDI 2011. 359, obs. J. Blatter ; Cass. Civ. 3° 18 mai 2010, n° 09-15352 ; Cass. Civ. 3° 18 janv. 2011, n° 09-71933 ( prolongation ou prorogation ).
[4] J.-P. Blatter, Le point (final ?) sur la date d'effet du congé, AJDI 2010 p. 636.
[5] Cass. Civ. 3° 23 juin 2009, AJDI 2009, 541, obs. J. Blatter ; D. 2009, AJ 1893, obs. Y. Rouquet ; RTD com 2009, p. 689, obs. J. Monéger ; Loyers et copro 2009, n° 210, obs. Ph.-H. Brault ; Gaz. Pal. 25-26 sept. 2009, obs. Barbier.
[6] TGI Paris 18e ch., 1re sect., 28 janv. 2010, AJDI 2010. 133, obs. Blatter.
[7] Rép. min. n° 44773, JOAN Q, 9 juin 2009, p. 5592 ; AJDI 2009. 569, obs. Y. Rouquet.