Servitude de passage

Desserte complète du fonds mais sans raccordement au réseau d’eau potable et d’évacuation des eaux usées

Une servitude conventionnelle de passage est limitée à ce qui est prévu par les parties dans l’acte fondateur. Faute de prévoir le raccordement au réseau d’eau potable et au système d’assainissement, le bénéficiaire du fonds dominant n’est pas en droit d’en demander l’extension.

Toutefois la constitution d’une servitude de passage conventionnelle peut, selon l’interprétation souveraine des juges du fond inclure le droit d’établir des canalisations souterraines, expression actuelle du droit de faire passer des porteurs d’eau (Civ. 1°, 14 octobre 1963, D. 1964-513, note Tallon).

Mais la servitude consentie par un voisin peut avoir un fondement légal, nonobstant les termes employés, lorsqu’ elle n’est qu’un aménagement conventionnel d’un fonds enclavé.

En ce cas, le droit de l’enclave, fondé sur l’article 682 du code civil retrouve sa portée précisée au cours des temps  par la jurisprudence. Les juridictions se sont en effet attachées à l’utilisation normale du fonds pour grever ou non les fonds voisins d’une charge supplémentaire (Civ. 1°, 2 mai 1961, Bull . n°220). La pose de canalisations nécessaires à la satisfaction des besoins de la construction édifiée n’est donc pas exclue (Civ. 3°, 14 décembre 1977, B., n° 451).
Mais la cour de cassation laisse à cet égard aux juges du fond leur pouvoir d’appréciation.
Ainsi, elle a décidé (Civ .3°, 14 octobre 2014, n° 13-20029) :

« ayant constaté que l’acte du 11 mars 1964 par lequel avait été établie une servitude de passage au profit des parcelles… enclavées, ne prévoyait pas le passage de canalisations et que ce fonds constitué d’une tour inhabitable, en grande partie en ruine, et d’un espace boisé classé, ne pouvait être affecté à l’habitation, la cour d’appel, qui a souverainement retenu que les travaux de rénovation autorisés par le maire ne justifiaient pas le raccordement de ces parcelles aux réseaux publics d’eau potable et d’évacuation des eaux usées, a pu déduire de ces seuls motifs, sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation que le passage de canalisations sous l’assiette de leur servitude de passage instituée le 11 mars 1964 n’était pas nécessaire à la     desserte complète des parcelles… et rejeter la demande… » .

On peut se demander si l’utilisation normale d’un fonds n’implique pas, hors faculté d’habitation, la nécessité d’avoir un point d’eau potable dès lors que la parcelle est de nature à accueillir ses propriétaires, des travaux de rénovation de la tour ayant même été autorisés par le maire de la commune ?

L’interprétation restrictive de la cour d’appel montre que l’enclavé n’est pas toujours privilégié !

Jean Debeaurain