Loi Macron - Baux commerciaux
« Allégement du formalisme principalement pour les locataires »
l’article 207 de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite loi Macron, revient sur l’ébauche d’allégement du formalisme de la loi Pinel du 18 juin 2014 qui avait modifié l’article L 145-9 du code de commerce autorisant, à côté de l’acte d’ huissier de justice, la délivrance des congés par lettre recommandée avec avis de réception.
Ce libre choix avait été critiqué par les auteurs compte tenu de l’importance de l’acte et de ses effets. L’imprécision liée à la date du congé délivré par lettre recommandée avec avis de réception avait du reste nécessité une disposition spéciale du décret d’application instaurant un article R 145-1-1 dans le code de commerce aux termes duquel la date du congé délivré selon cette modalité est celle de la première présentation de la lettre.
La loi du 6 août 2015 revient sur ces dispositions en maintenant l’option lettre recommandée avec avis de réception ou acte d’huissier de justice presque uniquement pour le preneur. L’article 207 de la loi, un brin démagogique, modifie les articles suivants du statut des baux commerciaux.
Art. L 145-4.- De la durée–al.2.- Cet alinéa ne renvoie plus à l’article L 145-9 quant à la forme du congé pour résiliation triennale par le preneur. De façon autonome, l’article L 145-4-al.2 lui reconnaît la faculté de résilier le bail six mois à l’avance par lettre recommandée avec avis de réception ou par acte d’huissier de justice.
Al.5.- Il en est de même dans l’alinéa 5 lorsque que le preneur demande à bénéficier de ses droits à la retraite ou lorsqu’il est admis au bénéfice d’une pension d’invalidité. La même facilité est accordée à ses ayants droits en cas de décès du preneur.
Al.3.-La facilité formelle accordée au bailleur dans cet alinéa par la loi Pinel est supprimée. Celui-ci renvoie à l’article L 145-9 qui, désormais, prévoit à nouveau le seul recours à l’acte d’ huissier de justice lorsque le bailleur entend invoquer les articles L 145-18, L 145-21, L 145-23-1 et L 145-24 afin de lui permettre de mener à bien l’opération de construction, reconstruction, restauration immobilière ou réaffectation d’un local d’habitation accessoire.
Art. L 145-9.- Des congés.- Dernier alinéa.- Est supprimée la mention lettre recommandée avec avis de réception. Le formalisme de cet article est donc rétabli. Les congés doivent être délivrés par acte extrajudiciaire. Cela évitera la délivrance d’acte nul. Les particuliers n’étant pas familiarisés avec l’obligation de préciser les motifs, et indiquer les formules obligatoires.
L’article R 145-1-1 devra être modifié, pour tenir compte des évolutions qui précèdent. Mais pour le preneur, et les congés des bailleurs délivrés par lettre recommandée avec avis de réception sous l’empire de la loi Pinel, le principe demeure : la date du congé est celle de la première présentation de la lettre.
Il est vraisemblable que pour les autres actes délivrés par le preneur la date soit celle de la première présentation également.
Art. L 145-10.- Demande de renouvellement.- Cet article n’avait pas été modifié par la loi Pinel. La demande de renouvellement devait donc continuer à s’effectuer sous forme d’acte huissier de justice. La réforme été jugée à cet égard trop timide, ou du moins on pouvait considérer qu’il y avait un défaut d’harmonisation. Le nouveau texte supprime donc, sur option, le formalisme à l’égard des preneurs et le maintient pour la réponse donnée par les bailleurs.
Al.2.-Désormais la demande en renouvellement doit être « notifiée » au bailleur par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée avec avis de réception. Dans la demande effectuée sous cette dernière forme, la reproduction des termes de l’alinéa 3 (avant dernier alinéa) risque souvent de faire défaut. La nullité de l’acte sera alors encourue.
Avant-dernier alinéa.- Dans les trois mois de la « notification » de la demande en renouvellement, le bailleur doit par acte extrajudiciaire, faire connaître au demandeur s’il refuse le renouvellement en précisant les motifs de ce refus. À défaut d’avoir fait connaître ses intentions dans ce délai, le bailleur est réputé avoir accepté le principe du renouvellement du bail précédent.
La reproduction de cet avant-dernier alinéa est évidemment essentielle. Il faut attirer l’attention du bailleur sur les effets de son défaut de réponse dans les délais.
Art. L 145 -12.-Droit de repentir.- Dernier alinéa.- Lorsque le bailleur a notifié, soit par un congé, soit par un refus de renouvellement, son intention de ne pas renouveler le bail, et si, par la suite, il décide de le renouveler, le nouveau bail prend effet à partir du jour où cette acceptation a été notifiée au locataire. Jusqu’ici cette notification devait être effectuée par acte extrajudiciaire, bien que l’article L 145-58 qui vise la limite ultime du droit de repentir n’indique aucun formalisme pour le manifester. Désormais l’article L 145-12 prévoie expressément la faculté de l’exercer sous forme de lettre recommandée avec avis de réception. C’est un petit cadeau consenti aux bailleurs qui bénéficient exceptionnellement de l’allègement du formalisme !
Art. L 145-18.-Refus de renouvellement pour construire ou reconstruire.- La réponse du locataire au refus de renouvellement de son bail doit être fournie dans les trois mois par acte extrajudiciaire ou désormais par lettre recommandée avec avis de réception. Soit il accepte le refus, soit il saisit la juridiction compétente, c’est-à-dire tribunal de grande instance, ou juge des loyers commerciaux si le désaccord porte sur les conditions du nouveau bail.
Art. L145-19.- Droit de priorité en cas de démolition d’immeuble insalubre et dangereux prévu par l’article L 145-17-I-2° et II. Pour bénéficier de ce droit de priorité, le locataire doit, en quittant les lieux ou, au plus tard dans les trois mois qui suivent, notifier sa volonté d’en user au propriétaire, par acte extrajudiciaire, ou désormais par lettre recommandée avec avis de réception, en lui faisant connaître son nouveau domicile.
Art. L 145-47.-Déspécialisation limitée à des activités connexes ou complémentaires.- Lorsque le locataire veut adjoindre à son activité prévue au bail des activités connexes ou complémentaires, il doit notifier son intention au propriétaire par acte extrajudiciaire, ou désormais là aussi par lettre recommandée avec avis de réception. Le bailleur dispose alors d’un délai de deux mois, à peine de déchéance, pour contester le caractère connexe ou complémentaire de ces activités.
Art. L 145-49.-Déspécialisation plénière et notification aux créanciers inscrits.- Cette demande de déspécialisation d’activité, demandée au bailleur, est formée par acte extrajudiciaire, ou encore désormais par lettre recommandée avec avis de réception. Elle est notifiée aux créanciers inscrits sur le fonds de commerce de façon identique.
Le bailleur doit , désormais aussi selon les mêmes formes, en aviser ses propres locataires envers lesquels il se serait engagé à ne pas louer en vue de l’exercice d’activités similaires à celles visées dans la demande pour leur permettre de faire connaître leur position dans le mois de cette notification. Indirectement les bailleurs bénéficient de l’option acte d’huissier de justice/lettre recommandée avec avis de réception..
En revanche, la réponse au locataire devait jusqu’ici être fournie par acte extrajudiciaire. La cour de Cassation était en ce sens : Civ.3°,11 juin 2008, Bull., n°103, p.95, obs. A. Cérati-Gauthier, Ann. Loy. 2008-1908 et 2423, n°27420. Il est vrai que l’alinéa 3 visait le terme « signifié », ce qui impliquait bien un acte extrajudiciaire délivré par huissier. Désormais la loi nouvelle remplace le terme signifié par « notifié », ce qui laisse penser que le texte est moins restrictif et autorise également une réponse par voie recommandée avec avis de réception. Mais par prudence et surtout à cause des délais il est sans doute préférable d’user de l’acte d’huissier de justice.
Art. L 145-55.-Renonciation du locataire à une demande de déspécialisation partielle ou plénière.
Là encore le législateur a voulu faciliter la renonciation en n’imposant plus obligatoirement un acte d’huissier de justice. La lettre recommandée avec avis de réception peut être choisie par le locataire.
Toutes ces nouvelles dispositions sont applicables dans les Iles Wallis et Futuna (art. 207-II de la loi du 6 août 2015).
En conclusion, ces allègements du formalisme ne sont pas sans inconvénients dès lors que des textes sont à reproduire pour sortir à effet. Et d’un autre côté il va falloir préciser exactement leur date, l’article R 145-1-1 étant devenu inadapté. En ce domaine très formaliste des baux commerciaux, il n’est pas sûr que la réforme soit efficace avant de nombreux mois de pratique. Les petits propriétaires ne pourront éviter les conseils des juristes professionnels. Le point positif est le rétablissement de l’acte extrajudiciaire pour les bailleurs qui souhaitent donner congé.
M° Jean Debeaurain