Chemins d'exploitation
Le contentieux des chemins d’exploitation continue à alimenter les juridictions jusqu’au plus haut niveau.
Il est vrai que cette notion ancienne qui pouvait correspondre à une situation de l’époque s’accommode assez mal avec l’urbanisation actuelle où la multiplication des résidences secondaires à la campagne, même si la jurisprudence a consacré l’existence de ces chemins dont la destination n’est plus strictement agricole.
Bref, certains juges sont assez réticents à admettre cette qualification qui leur paraît moins sécurisée du fait de l’absence de titre conventionnel fondateur.
C’est ainsi qu’une décision du 10 janvier 2017 (TGI Draguignan, ch. 3) juge
« attendu que si l’expert judiciaire soutient que le chemin litigieux est un chemin d’exploitation, cet élément ne suffit à rapporter la preuve de la pertinence de cette qualification en ce que, d’abord, l’expert, à qui la question n’a du reste pas été posée, n’expose pas en quoi les éléments constitutifs d’un tel chemin sont réunis, et en ce qu’ensuite l’expert soutient que la parcelle desservie par ledit chemin est enclavée ; qu’une parcelle desservie par un chemin d’exploitation ne peut, par définition, être enclavée ; que nulle démonstration sur ce point ne peut dès lors être tirée du rapport d’expertise judiciaire ;
Que les documents cadastraux, de nature fiscale, ne constitue nulle preuve de la pertinence de la dite qualification ; que les « indices » invoqués par les demandeurs, relatifs à « l’aspect » du chemin, sont indifférents à la qualification de ce dernier ;
Que si les demandeurs soutiennent que le chemin litigieux sert exclusivement à la communication entre fonds et à leur exploitation, ils n’en rapportent nulle preuve ; qu’en revanche, il ressort des pièces versées à la procédure que ledit chemin permet à ses utilisateurs de rejoindre la voie publique, ce qui contrevient à la vocation de chemin exploitation, dont l’objet exclusif et la communication entre fonds ; attendu, du tout, que la preuve de ce que le chemin litigieux constitue un chemin d’exploitation n’est pas rapporté ;
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«Attendu que l’expert judiciaire conclut que le fonds A… est enclavé ; que nulle servitude conventionnelle n’en permet l’accès à la voie publique ;
Que la preuve d’une desserte de la parcelle litigieuse par un chemin d’exploitation n’est pas rapportée ;
Que, par suite, l’enclave de la parcelle CP 75 est constatée …»
Etrange décision, remplie de contradiction et d’incohérence au regard notamment de la jurisprudence la plus récente intervenue en ce domaine.
En effet, la cour de cassation (civ. 3°, 8 sept. 2016, n° 18180, RDR janvier 2017, p. 44, com. N° 12 Denis Lochouarn) vient de rejeter un pourvoi en ces termes :
« Mais attendu qu'ayant constaté que le chemin litigieux figurait sur les plans cadastraux de 1879 et 1882 et contemporains, qu'il était qualifié de chemin d'exploitation dans de nombreux actes, qu'il constituait pour certaines parcelles la seule desserte, que les attestations et photographies, ainsi que les traces de roues, établissaient son usage actuel dans les deux sens par les riverains et plus spécifiquement par les consorts X... et par Mme Y..., la cour d'appel, abstraction faite d'un motif surabondant, en a souverainement déduit que ce chemin constituait un chemin d'exploitation, utile à l'exploitation ou à la desserte des parcelles riveraines ou de ces parcelles entre elles, et que les consorts X... étaient fondés à invoquer la protection possessoire concernant ce chemin ; »
Décision conforme à tout ce que l’on savait sur les chemins d’exploitation (Cf. Guide des chemins et sentiers d’exploitation, jean Debeaurain, Edilaix, Point de droit, 5° éd. 2014.